Subliminal, étrange, primal, apaisant, virevoltant, indicible, inquiétant, Caroll, créatrice des bijoux Cutebone, « os mignons » en français, navigue dans une arche où les qualificatifs décidément bien vains, s’approchent sans jamais signifier clairement les vibrations qui l’abîment, l’animent, dans l’intrinsèque chose qu’est son être. Ses bijoux semblent être des témoins, des indices d’un trouble réel et invisible : réel car il construit sa réalité chaque jour mais aussi invisible car c’est la nuit au grès de rêves cataclysmiques et élévateurs qu’elle trouve la source, la matière comestible et furieuse d’un possible temps à venir, celui de l’apokálupsis.
Dans cutebone il y a quelque chose d’apocalyptique n’est-ce-pas ?
C’est marrant de dire ça parce que j’ai plutôt l’impression que c’est l’apocalypse qui me poursuit. Je fais les mêmes cauchemars depuis que je suis enfant. Je pense qu’inconsciemment ça se reflète dans mes bijoux.
Parle-moi de tes rêves ?
Ce sont des scènes climatiques, en rapport avec le soleil et l’eau. Tout est brûlé, cramé, on est un petit groupe. C’est le désert. On monte des collines pour se rapprocher du soleil, ce qui est très étrange, parce que c’est lui qui a entraîné toute cette situation apocalyptique. C’est comme si on était survivant parce qu’on avait plus peur de lui. Quant à l’eau, on est dans une villa, tout est submergé, une eau calme ; on est sur un îlot, c’est ce qui reste de notre civilisation. On ne sait pas ce qui se passe. Il y a aussi les rêves post-apocalyptiques, tout est noir à chaque fois, des gros nuages qui roulent et qui arrivent sur nous, des souterrains, peu de survivants. Plus de lumière, cachée par les nuages. Autour de nous l’eau a disparu.
Sur tes bijoux je vois des planètes, des nuages et aussi des pyramides avec un œil, une pyramide de borgnes ?
Peut-être, qui sait. Quand je fais mes dessins je ne me dis jamais je vais représenter ça ou ça, je me laisse aller et voilà ce qu’il en ressort. Il y a des dessins que je griffonne depuis toute petite. J’ai une obsession des petits os, je ne sais pas pourquoi. Il y a la lune, le soleil, le serpent qui se mort la queue, comme si la boucle était bouclée. C’est aussi le symbole du cycle éternel de la nature.
Il y a aussi une croix à l’envers, pourquoi ce symbole ?
Cet héritage catholique je le vois plutôt à l’envers, une incompréhension plus qu'une révolte.
Tu crées les bijoux avec tes mains ?
J’achète certaines pièces en perlerie, d’autres sont chinées en brocante, récupérées dans des greniers. Du métal, des vieux papiers peints, des photos vintage, du vécu. Les dessins sont faits à la main pour chaque bijou. Ce sont des assemblages, j’aime bien cette idée, trouver avec de la matière, l’assemblage nécessaire pour transcrire une idée, une histoire.
Des artistes références
Dario Argento (premières peurs), Mike patton, chanteur de faith no more, qui oscille tout le temps entre génie et ridicule. Claude Seignolle, J-K Huymans.
Pourquoi habiter à côté du métro corvisart c’est en lien avec le mot corbillard ?
C’est une coïncidence totale, mon conjoint David est très proche des 13, moi pas du tout.
Les chiffres pour toi sont-ils importants ?
Oui. Le 21. C’est un chiffre qui me poursuit.
2012, t’en penses quoi ?
Continuer à créer. Une collaboration qui doit voir le jour. Pour la première fois je fêterai mon anniversaire qui aura lieu le 21 décembre 2012, jour de l’apocalypse.
Quelle est la clef la plus importante dans tes rêves que tu matérialises sur des bijoux ?
Trouver la sortie.
Website :
www.cutebone.net + facebook.com/cutebone
Points de vente :
En ligne, sur la communauté Etsy (dont la traduction française est disponible depuis peu) : cutebone.etsy.com. A Montmartre, chez la fabuleuse boutique de Martine : Chine Machine 100 rue des Martyrs, 75018.
Propos recueillis par Denys Beaumatin, blogtrotteur de l'un-visible, photo de Cutebone. Interview bientôt publiée dans le magazine Le Bonbon, Paris Est, du mois de février.
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